Sumo: le choc des Titans!

Publié le par Haruka

Lorsque l’on pense au Japon, le mot Sumo vient vite à l’esprit. Et pour cause, il s’agit d’un sport de combat très apprécié, bien que peu pratiqué par la population, exclusivement masculin et typiquement nippon. 

Son aspect spectaculaire provient des nombreux rituels qui caractérisent cette pratique ainsi que du gabarit des lutteurs.

 
Sumo: le choc des Titans!
Sumo: le choc des Titans!

Son origine

D’après la légende, le sumo est apparu pour la première fois dans le Kojiki, le Récit des Temps Anciens. Datant de 712, il s’agit du premier livre en écriture japonaise. Cet ouvrage raconte le combat entre deux dieux: Takemikazuchi et Takeminakata. En remportant la victoire, le peuple de Takemikazuchi prit possession des îles Japonaises et ainsi fut fondée la famille impériale. L’empereur actuel en serait d’ailleurs un descendant.

D’autres affirment que les combats de sumo datent d’environ 1500 ans et qu’ils étaient alors associés à des rituels religieux Shinto. On réalisait des combats, des danses et du théâtre pour honorer les dieux et obtenir de bonnes récoltes.

Au VIIIème siècle, des combats annuels accompagnés de musiques et de danses sont organisés à la Cour Impériale. Mais à l’époque, tous les coups sont permis! Petit à petit, la Cour introduit donc des règles de combat et les pratiques se rapprochent progressivement de celles utilisées de nos jours. Il y a actuellement 82 prises autorisées.

Ce n’est qu’au XVIIIème siècle qu’il devient le sport national.

 
Sumo: le choc des Titans!
Sumo: le choc des Titans!

Devenir Rikishi

Avant tout, un lutteur de sumo est appelé rikishi ou Osumusan au Japon. L'appellation «sumotori» utilisée en France est donc inexacte et ne concerne que les débutants. Pour devenir Osumosan professionnel, il faut être sélectionné lors des tests annuels de recrutement. Mais depuis les années 1990, le nombres de candidats est en déclin et en 2007, les sélections ont dû être annulées fautes de participants. Parallèlement à cela, le nombre de lutteurs étrangers est en essor et des règlementations ont donc été mises en place: depuis 2002, chaque écurie ne peut pas avoir plus d’un lutteur étranger. Cependant, pour contourner cette règle, les naturalisations de rikishi étrangers se sont multipliées. En conséquence et pour continuer à protéger la pratique, il est désormais interdit aux écurie d’avoir plus d’un lutteur né à l’étranger dans leur rang. 

Mais même en sachant cela, cela reste surprenant de voir un Européen ou même un Africain lutter au sein d’un tournoi de Sumo. Le premier rikishi  Africain est un Egyptien qui est devenu professionnel en 2012 et actuellement, on trouve également un Tchèque, un Bulgare, un Géorgien et de nombreux Mongols dans les tournois professionnels.

Il existe 6 divisions qui rassemblent plusieurs centaines de lutteurs professionnels. La première division (42 rikishi) comporte 5 rangs dans la hiérarchie sumo (du plus élevé au moins élevé): Yokozuna, Ozeki, Sekiwake, Komusubi et Maegashira. Pour être promu au rang supérieur, il faut gagner au moins 8 combats sur les 15 que comporte un tournoi. Mais il est aussi possible d’être rétrogradé si l’on perd une majorité de combats, sauf quand on est Yokozuna. Cependant, les Yokozuna prennent toujours leur retraite si leurs performances commencent à ne plus être à la hauteur de leur rang, ce qui reflète bien la mentalité japonaise accordant une grande place à l’Honneur et à la Honte. Deux lutteurs de la même écurie de s’affronteront jamais.

 
Sumo: le choc des Titans!Sumo: le choc des Titans!
Sumo: le choc des Titans!

Le quotidien d’un rikishi est très cadré et agrémentés de rituels traditionnels: il se réveille à 5h du matin et va à son entrainement. Pour le déjeuner, il mange un chanko nabe, sorte de soupe très saine dans laquelle cuit une multitude d’aliments (légumes, viande ou poisson divers, pâtes...). 

Ensuite vient l’heure de la sieste, puis le dîner (aussi un chanko nabe). Les apprentis doivent servir les rikishi les mieux côtés.

Chanko nabe, le repas des lutteurs de sumo

Chanko nabe, le repas des lutteurs de sumo

Comment, avec un régime aussi sain, deviennent-ils gros?

Certains disent que ce sont les petites copines des rikishi qui leur amènent des gâteaux et sucreries en cachette pour agrémenter leur alimentation trop saine. D’autres affirment que les entraineurs incitent fortement les lutteurs à prendre du poids (vous comprendrez pourquoi par la suite) et qu’ils mangent donc en quantité démesurée jusqu’à 5 repas par jour. Un ancien rikishi témoigne: «je m'efforçais chaque jour de me bourrer jusqu'au point ou je sentais qu'en mangeant d'avantage, j'allais tout régurgiter». Il mangeait entre autres 20 oeufs durs par jour! 

Il n’existe pas de catégorie de poids et leur corpulence va de 70 à 280kg. La moyenne se situant autour de 150kg permettrait d’allier force, stabilité et souplesse, les qualités nécessaires à la victoire. Mais il est donc possible d’observer un combat où un lutteur pèse le double de son adversaire! Et ce n’est pas toujours le plus gros qui gagne, loin de là! 

 
L'arrivée des Titans au Stadium
L'arrivée des Titans au Stadium

L'arrivée des Titans au Stadium

La tenue

Les rikishi ne portent qu’une bande de tissu enroulée autour de la taille et de l’entrejambe appelée mawashi. Seule prise autorisée au cours du combat, elle doit mesurer entre 9 et 14m. 

Concernant leur chevelure, les professionnels doivent se laisser pousser les cheveux pour pouvoir les lisser à l’huile et les attacher en chignon lors des tournois. La forme du chignon dépend de leur classement (il existe 6 rangs). Lorsqu’un rikishi prend sa retraite, une cérémonie est organisée au cours de laquelle son chignon est coupé.

Lors du tournoi de janvier, un lutteur n'avait pas les cheveux longs en chignon. Etonnée, j'ai demandé pourquoi. En fait, il a progressé tellement rapidement que ses cheveux n'ont pas eu le temps de pousser suffisamment. 

 

Présentation des lutteurs avant le début des combats - Puis, en tenue de combat
Présentation des lutteurs avant le début des combats - Puis, en tenue de combat

Présentation des lutteurs avant le début des combats - Puis, en tenue de combat

Sumo: le choc des Titans!Sumo: le choc des Titans!
Sumo: le choc des Titans!

Le lieu

L'arène, le dohyō (土俵), est une plateforme carrée faite d'argile tassée, haute de 34 à 60 cm. Un cercle de 4,55 m de diamètre, fait de ballots de paille intégrés dans la plateforme, délimite l'aire de combat.

Le gyōji (行司), l'arbitre, est également présent à l’intérieur du cercle et doit souvent esquiver les rikishi lors des affrontements. Les juges (審判, shinpan), les présentateurs (呼出, yobidashi) ainsi que les lutteurs suivants se trouvent autour du dohyō.

L’accès à l’arène est strictement interdite aux femmes, et ce depuis toujours, car elles sont considérées comme potentiellement impures du fait des menstruations. De même, aucun spectateur n’est autorisé à passer entre le dohyō et l’un des juges. Il faut donc se tenir à une distance respectable de ce lieu sacré.

Le Stadium Ryogoku Kokugikan de Tokyo et le dohyō, constamment arrosé et balayé, autour duquel on retrouve le sel, l'eau, les juges
Le Stadium Ryogoku Kokugikan de Tokyo et le dohyō, constamment arrosé et balayé, autour duquel on retrouve le sel, l'eau, les juges Le Stadium Ryogoku Kokugikan de Tokyo et le dohyō, constamment arrosé et balayé, autour duquel on retrouve le sel, l'eau, les juges

Le Stadium Ryogoku Kokugikan de Tokyo et le dohyō, constamment arrosé et balayé, autour duquel on retrouve le sel, l'eau, les juges

Les rituels et le combat

Le yobidashi appelle en chantant les deux hommes qui vont s’opposer et les présente (nom, origine, classement). Cela ressemble à une psalmodie au son assez aigu et nasal.

Avant le combat proprement dit, une série de rituels est accomplie. 

Chaque lutteur prend une gorgée d’eau qu’il recrache. Celle-ci lui est servie dans une louche en bois par le vainqueur du combat précédent ou par un lutteur du combat suivant. Cette «eau de force» est appelée 力水, chikara-mizu. 

Ensuite, pour purifier le dohyō chaque sportif y jette une grosse poignée de sel (shioire). En une journée de tournoi, une trentaine de kilos de sel seront ainsi utilisés. 

Puis viennent les gestes et postures: sonkyo est un squat jambes écartées et les mains sur les genoux, une façon de montrer son respect pour les plus forts que soi. Il est suivi par le shiko, le moment où le combattant lève une à une les jambes, très haut, sur le côté, puis les repose vigoureusement au sol pour écraser les démons qui voudraient s’aventurer dans les parages. 

Enfin vient le chirichozu, les lutteurs frappent deux fois dans les mains, les lève paume visible pour montrer qu’ils n’ont pas d’arme sur eux. Ces trois rituels sont nécessaires avant le début du combat.

 

Les postures ritualisées - L'arbitre - Le lutteur de gauche jette une poignée de sel pour purifier le dohyō
Les postures ritualisées - L'arbitre - Le lutteur de gauche jette une poignée de sel pour purifier le dohyō
Les postures ritualisées - L'arbitre - Le lutteur de gauche jette une poignée de sel pour purifier le dohyō

Les postures ritualisées - L'arbitre - Le lutteur de gauche jette une poignée de sel pour purifier le dohyō

L'appel des prochains lutteurs - Chacun prend une gorgée "d'eau de force" - Préparation à l'affrontement
L'appel des prochains lutteurs - Chacun prend une gorgée "d'eau de force" - Préparation à l'affrontement
L'appel des prochains lutteurs - Chacun prend une gorgée "d'eau de force" - Préparation à l'affrontement

L'appel des prochains lutteurs - Chacun prend une gorgée "d'eau de force" - Préparation à l'affrontement

Celui-ci commence au signal de l’arbitre qui tend son éventail au centre du cercle. De part et d’autre se trouvent les deux adversaires. En position de squat, les poings au sol, ils se font face et se fixent intensément: c’est le shikiri. Pour que l'assaut soit lancé, les deux doivent accepter le combat et donc s’élancer simultanément l’un vers l’autre. Si l’un s’élance et pas l’autre, le départ n’est pas bon et il faut recommencer. En effet, le lutteur doit laisser monter en lui l’énergie de la victoire et le combat ne peut commencer que lorsqu’il est au maximum de ses capacités. Il est donc normal d’attendre cet instant et non pas de donner un départ arbitraire qui ne correspondrait pas au meilleur moment de puissance des combattants. Chaque «faux-départ» (matta) fait monter l’excitation du public et donc l’énergie des rikishi. L’assaut, lorsque les deux hommes s’élancent l’un vers l’autre, nécessite une grande puissance musculaire dans les cuisses. Le premier choc entre eux (atari) est très violent et peut directement entraîner la victoire ou la défaite. Chacun doit donc résister à la puissance de l’autre, d’où la nécessité d’être suffisamment lourd et stable.

L’objectif est de faire sortir son adversaire du cercle ou de lui faire toucher le sol avec une autre partie du corps que la plante de ses pieds (seul membre autorisé à toucher le sol). Le corps à corps ne dure généralement que quelques secondes. 

 

shikiri, le face à face avant l'assaut

shikiri, le face à face avant l'assaut

Le corps à corps
Le corps à corps

Le corps à corps

Les combats des sportifs les mieux classés sont sponsorisés par des entreprises qui achètent des drapeaux à leur nom. Chaque drapeau vaut 60 000¥ (430€) et la somme récoltée revient au vainqueur et à son écurie. Avant le combat, les drapeaux défilent autour du dohyō et plus il y en a, plus le combat est important. Lorsque nous y sommes allés, le combat le plus «cher» a rapporté plus de 2 millions de yen, soit plus de 16 000€.

Il existe 6 tournois dans l’année, soit un tous les 2 mois dans différents lieux et ils sont rediffusés dans tout le pays.

 

Les drapeaux des sponsors défilent, le combat rapportera beaucoup!

Les drapeaux des sponsors défilent, le combat rapportera beaucoup!

Un autographe de lutteur de sumo - Une affiche annonçant un tournoi

Un autographe de lutteur de sumo - Une affiche annonçant un tournoi

Lors de notre visite au tournoi de janvier, le stadium Ryogoku Kokugikan de Tokyo était plein. Chaque spectateur a donc reçu une enveloppe de remerciement contenant 10¥. Petite somme mais grande symbolique qui une nouvelle fois reflète bien la culture locale.

L'enveloppe de remerciement

L'enveloppe de remerciement

Publié dans Culture et traditions

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